Aujourd’hui, je vais vous parler d’enterrement. Mais ne comptez pas sur moi pour vous raconter des choses tristes. Cet enterrement-là est gai car c’est un enterrement de vie de jeune fille. La jeune fille en question se prénomme Christine. Elle va se marier dans une quinzaine de jours.
10h30 : je sonne à la porte de la future mariée. D’autres ont aussi rendez-vous chez Christine : Julie, Nathalie et sa fille Mélinda, Alexandra, Isabelle. Nous avons toutes un point commun : dans nos cheveux, une barrette en forme de fleur (mais de couleur différente pour chacune). Christine est fébrile et a raison de l’être. Les « filles aux fleurs » lui ont concocté un programme plein de surprises (auquel elle ne s’attend absolument pas) et ce jusqu’à tard dans la nuit …. une sorte de bizutage de la future mariée, en quelque sorte.
1ère épreuve :
Habillée d’une jupette rose, coiffée de nattes, une sucette à la bouche, Christine doit se déplacer à vélo. Fastoche ? Détrompez-vous : le vélo à roulettes (marque Hello Kitty) est celui de sa fille Marine (4 ans). Pour cette virée à tricycle, nous nous rendons dans un lieu paradisiaque : le Parc Borély (Marseille). En plus de la difficulté inhérente au mode de locomotion, s’en rajoute une autre : munie d’un tract, Christine doit glaner des signatures auprès de la gente masculine pour obtenir une autorisation : celle de se marier.
La timidité de Christine, légitime face au défi, devient vite du professionnalisme. Efficace, elle fait preuve d’un grand sens relationnel et sa campagne nuptiale/électorale est rapidement bouclée. Bien évidemment, elle remercie aimablement ses électeurs et, sur le ton de la plaisanterie, je les invite tous, gracieusement, à son mariage.
Midi : nous pique-niquons sous un arbre, sur l’herbe grasse du parc. Au menu : charcuterie, fraises, nutella, vin … Entre deux bouchées, nous encourageons Christine à nous parler d’elle, de son futur mari, de ses amours. Elle s’en sort plutôt bien.
15 heures. Autre lieu : un hammam au Centre de la Valentine, à l’extérieur de Marseille. Les « filles aux fleurs », la future mariée, se retrouvent dans l’eau bouillonnante d’un jacuzzi et il est demandé à Christine de bouillonner d’idées en répondant, à brûle-pourpoint et sans se tromper, au questionnaire sentimental de Julie.
En récompense, elle a droit à un massage relaxant (pour détendre son corps et ses neurones). Pendant ce temps, nous occupons, en bande, la pièce chaude et humide du hammam dans laquelle nous nous délitons quelque peu sous l’effet de la vapeur. Heureusement, le champagne coule à flots dans nos verres en plastique (dans le salon de repos d’après hammam) et nous requinque.
18h30 : Retour chez Christine et nouveau déguisement pour la dernière épreuve du soir-espoir. Elle troque ses habits de fillette sportive et espiègle contre une tenue de chat. Toute de noir vêtue, des moustaches dessinées sur les joues, des oreilles de félin en tissu fixées à un serre-tête, une queue de velours attachée à son fessier, Christine se métamorphose en Madame « Patte de velours et griffes d’acier ». Félinement, elle marche en direction du restaurant italien où nous devons dîner avec, pour décor, l’immense roue de l’Escale Borely.
Une nouvelle « femme-fleur » se joint à nous. Elle s’appelle Carole. Elle n’a pas pu assister aux précédentes épreuves. Toute neuve, toute fraîche, pas usée comme nous le sommes par une longue journée d’enterrement, elle relance le débat nuptial. Christine, sous le feu des questions, en devient presque aphone. Cela tombe bien. Elle ne peut plus dire « non » à l’ ultime épreuve : en sortant du restaurant, elle va devoir distribuer …. des préservatifs.
Pas besoin de beaucoup marcher. Ce coin de Marseille est propice aux enterrements de ce genre si particulier. Nous croisons justement un groupe de filles escortant leur propre future mariée, avec pour emblème, non pas comme nous une fleur dans les cheveux, mais des oreilles fluorescentes de Mickey. Pourquoi pas … Bien évidemment, ce n’est pas à elles que Christine s’adresse pour liquider son stock de préservatifs mais à une bande d’hommes, joyeux fêtards, entourant et supportant leur « pote », bientôt marié.
Soulagée, un peu groggy (et pas seulement de paroles et de bonne humeur), Christine peut relâcher la pression. Victorieuse, elle s’enfonce dans le siège arrière de la voiture qui doit la ramener jusqu’à chez elle. Il est presque minuit. Malgré l’heure, malgré la fatigue, elle trouve encore l’énergie de faire office de GPS.
Bientôt, elle va se marier (elle a maintenant le diplôme en poche) et vous serez tous cordialement invités !
Groupe des filles-fleurs (de gauche à droite) : Alexandra, (une petite intruse : Sophie), moi, Mélinda, Isabelle, Nathalie, Julie.
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Texte écrit en juin 2012.