« Viens voir mes ananas ma chérie ! ».
Je m’approche du stand sans crainte car:
I) Je connais le vendeur (René, un grand martiniquais fort sympathique) ;
II) Je connais ses ananas. Nous avons déjà été présentés. Ils sont excellents. Jamais je n’en ai mangé d’aussi sucrés.
III) Je me suis accoutumée à leur prix stable, raisonnable et rond (3 pour 10 F). Je discute un moment avec René puis je prends congé… je n’ai pas que des ananas à acheter !
Non loin, de beaux légumes rivalisent de couleurs, de saveurs et de formes : des tomates rouges et parfumées (vendues en sachet) ; des aubergines (fermes et très abordables) ; des christophines (que l’on mange crûs ou cuits) ; des ignames (tubercules aux nombreuses variétés) ; du giraumon (genre de potiron à la chair orange, un délice quand il se métamorphose en soupe).
Les légumes ne sont pas les seules « stars » de ce marché. Les fruits, gorgés de soleil, de douceur et de vitamines C, sont aussi particulièrement séduisants : les bananes-fruits (à ne pas confondre avec les bananes-légumes ou « tinain » qui se consomment non mûres et cuites) ; les goyaves (fruits tropicaux à la peau épaisse) ; les jujubes (petits et ronds que l’on prépare le plus souvent en liqueur) ; les fruits à pain (fruits de l’arbre à pain de la taille d’un gros melon) ; les papayes (à la chair orangée et garnie de graines) ; les pommes-cannelles (entourées d’une sorte d’écorce à écailles assez épaisse) ; les prunes de cythère (qui broyées libèrent un jus vert et un peu acide) ; les quenettes (poussant en grappes sur leurs quenettiers) ; les maracudjas (ou « fruits de la passion » que l’on déguste en jus ou en sorbet) ; les corossols (fruits à la peau verte ayant une chair blanche et onctueuse) …
Le marché à Fort-de-France, c’est aussi le marché de l’arôme : les épices (coriandre, cumin, curcuma, gingembre, piment, bois d’inde*…) ; le chocolat en bâtonnet (que l’on râpe dans du lait et que l’on fait épaissir sur le feu avec de la pâte d’arachide) ; la vanille …
Ces fruits, ces légumes, ces arômes m’enchantent. Je quitte leur royaume à regret, mais satisfaite de la petite part de marché que j’emporte, précieusement, au fond de mes sacs. D’un clin d’oeil, je dis aurevoir à René dont un des ananas va finir, dès ce soir, décortiqué et mixé.
Sur le chemin du retour, je songe subitement à une des tomates, prisonnière, pauvrette, de son sachet plastique : « et si je la délivrais et la mangeais toute crûe, tout de suite. Quel espace, quel confort elle aurait dans la chaleur de mon estomac ! ».
Au croisement des rues Lamartine et Schoelcher, je n’y tiens plus, je croque la tomate, et du coup élimine cette idée alléchante mais au combien entêtante !
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* épice très parfumée, appelée aussi piment de la Jamaïque.