Au revoir Pantelleria
Après plus de 3 semaines passées à Pantelleria, il est temps de retourner en Tunisie. Nous aurions dû lever l’ancre mercredi, profitant de la bonne fenêtre météo conseillée par Claude qui nous a amicalement escorté à l’aller. Pantelleria nous a tant plu que nous ne résistons pas au plaisir d’y séjourner quelques jours de plus. Nous reportons donc notre départ à samedi. Un peu plus de vent est prévu. Ce sera l’occasion de sortir les voiles …
Samedi midi, après avoir dit au revoir à tous les gens charmants rencontrés à Pantelleria (Emmanuel et Françoise « Monsun » ; Jean et Claude « Isthar III » ; Jacques et Régine « Cornado », nous nous préparons à quitter l’île. Ce n’est pas une mince affaire. Il faut au préalable fixer notre volumineuse annexe à l’avant du « Jurançon » …. un super dinghy certes mais du coup très encombrant et très long à arrimer. Et puis, il faut relever l’ancre avec la hantise d’Eric d’avoir à plonger au cas où elle s’enrague. Mais non, mais non, tout va bien se passer !
Le « Jurançon » sort de l’avant-port de Pantelleria par une mer calme, une brise légère et l’envie de déployer ses voiles. Eric les règle au plus juste en même temps qu’il pianote sur son GPS. J’essaie de comprendre, de m’améliorer car je suis une piètre navigatrice. J’ai tout de même une petite excuse : Eric est un piètre formateur.
Sophie s’occupe à faire la sieste. Quand elle ne dort pas, elle me réclame des en-cas, des verres de jus d’orange. Entre deux roupillons, entre deux collations, j’en profite pour lui apprendre le peu que je sais en matière de navigation : les nœuds de chaise et de cabestan, les amures du bateau, les notions de bâbord et de tribord, les penons sur les voiles flottant au vent, les feux de signalisation et de détresse, les poissons et cétacés (dessinés sur le livre de bord). Aujourd’hui, Sophie est en classe de navigation et d’observation : sous les vagues, des dauphins dont on aperçoit les ailerons ; hors de l’eau des puffins volant au ras de l’eau, sur le Raymarine d’Eric, un vent résolument de travers… Le soir tombe. Le « Jurançon » s’élance à 5 nœuds grâce à l’effet combiné du moteur et des voiles (génois et Grand Voile). J’observe le joli spectacle de cette mer aux reflets gris (le gris clair des nuages au dessus de la ligne d’horizon se démarquant du gris plus foncé des vagues). Quand je regarde vers l’arrière du voilier, curieusement, les deux couleurs se mélangent pour former un gigantesque mur de plomb. Un croissant de lune éclaire la route. Par chance, le cap d’Eric suit cette portion d’eau qui scintille. La nuit tombant, nous devons absolument repérer et éviter les éventuels filets de pêcheurs placés sur notre route …
Minuit. Il nous reste encore 5 heures de route avant d’arriver à Yasmine Hammamet. Soudain, le vent forcit, soufflant par violentes rafales jusqu’à 50 nœuds. Les vagues se creusent. Heureusement, dans le noir, nous ne distinguons pas leur aspect menaçant. L’efficacité du GPS nous confirme cependant la colère du vent : 30, 40, 50 nœuds. Dès les 30 nœuds, nous affalons la Grand Voile (le Génois a été rentré depuis longtemps) en laissant juste un petit bout de toile pour stabiliser le voilier.
Tout le monde s’inquiète sans trop le montrer. Tout le monde s’attache au bateau. Sophie et moi, nous sommes deux mousses peu efficaces mais avec deux grandes qualités : nous sommes courageuses et peu sujettes au mal de mer. D’autres se seraient déjà réfugiés au fond du carré, peut-être même sous la table, réclamant leur mère en pleurant ou en priant. Nous pas. Nous nous contentons de critiquer très sévèrement ces vagues « pisseuses et cracheuses », vraiment malvenues, ce vent complètement fou et cette pluie irritante désormais de la partie.
Bientôt Sophie, que la vue de cette mer défoncée n’amuse plus, décide d’aller se coucher dans sa cabine et s’endort d’un profond sommeil. Au port de Yasmine Hammamet, une nouvelle épreuve nous attend : amarrer le « Jurançon » devant les services de police et de douane par 30 nœuds de vent. Déjà Eric me détaille ce qui va être ma mission qui, selon son expression « ne pardonne pas la moindre erreur » (j’ai horreur de ces missions périlleuses à la « James Bond »). La voici, par étapes : 1) mettre tous les pare-battage côté bâbord, 2) préparer les amarres à l’avant et à l’arrière. 3) Quand le voilier sera suffisamment près du bord, je devrais m’élancer sur le quai, un bout à la main. Je ne peux accomplir en totalité ce qui m’est demandé, à savoir enrouler 3 ou 4 fois la lourde corde autour de la bit, pour une raison très simple : elle n’est pas assez longue ! Je me contente donc de deux tours, en croisant les doigts (qui auraient pu finir broyés au cours de la manœuvre). Je me précipite ensuite à l’arrière pour recevoir la 2ème amarre sans être certaine que la 1ère va tenir.
Ouf, elle tient. Une heure plus tard, en sécurité, et tels des zombies, nous pouvons aller nous coucher. Dans très peu de temps, il faudra songer à nous réveiller pour effectuer nos formalités de police et de douane.
8 H du matin : nous racontons notre tempête à la douanière. Elle confirme que sur Hammamet le vent a aussi beaucoup soufflé : « il y avait de la poussière partout », nous dit-elle. « Pas possible, eh bien nous, c’était pas que de la poussière mais aussi des paquets d’eau salée et, seuls au milieu de cette mer déchaînée, nous n’en menions vraiment pas large ! » …
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Texte écrit en août 2011
Éprouvante traversée ! Personne n’a eu assez de courage pour prendre des photos ?
Non, Kikounet. Nous n’avions pas assez de mains pour tenir un appareil photo. Elles étaient toutes agrippées au bateau et nous étions comme … tétanisés. Nous n’aurions pu faire aucun réglage !