10h30 : Nous sommes devant la porte d’embarquement n° 13 et nous attendons le Catania, un ferry de la Cie Grimaldi Lines qui devrait arriver avec un peu de retard. Comment va être ce paquebot ? Vétuste, comme le Habib (Cie CTN) ou luxueux comme le Danielle Casanova (Cie SNMC). Surprise, surprise …
Sophie et moi, dans la voiture à l’arrêt, nous nous occupons comme nous le pouvons. Sophie se fait l’ongle (manucure : pose de vernis) et moi l’œil (épilation du sourcil). Après ses mains, Sophie a l’idée de soigner les vitres de notre Mercedes en les nettoyant avec un peu d’Ajax. Au bout d’un moment, à cours d’activité, nous nous intéressons de près au sac de victuailles que j’ai préparé : un bout de pizza par ci, un bout de cake par là, un verre de jus de fruit par ci, un verre d’eau par là … Dans peu de temps, à force d’ingurgiter autant de liquides, un problème va se poser : où trouver des sanitaires ou un recoin à l’abri des regards dans cet univers inhospitalier de voitures ?
14 h : Nous sommes toujours devant la porte 13, résolument close. Sophie a joué sagement avec un livre-puzzle mais visiblement, maintenant, elle a besoin d’action. La voilà qui sort et entre par la fenêtre ouverte de la Mercedes. Pour la distraire de cette vilaine manie, je lui donne un gage (soumis à renouvellement) : courir autour de l’auto 10 fois sans s’arrêter. Top chrono ! Cette mise en mouvement la défoule une bonne demi-heure. Eric, quant à lui, discute à la ronde …
15h30 : nous venons d’effectuer les formalités de police et de douane. Nous sommes à nouveau bloqués dans une file de voitures, cette fois devant le Catania/Palermo, en attendant de monter à bord. Eric, de son siège, prend des photos de l’imposant ferry et son oeil, extrêmement critique, remarque immédiatement les traces de rouille sur le plafond du garage où va stationner notre véhicule durant la traversée.
17 h : nous n’avons pas bougé d’un iota. Même point de vue sur l’arrière du ferry et sur les inesthétiques piqûres de rouille. Sophie, contrairement au décor, est très mobile dans un espace confiné, et ne comprend pas pourquoi le temps s’est arrêté, pourquoi les choses se sont ainsi figées dans le formol.
18 h : enfin de l’action. Nous venons de garer la voiture dans l’antre du ferry et nous pouvons prendre possession, non pas de notre cabine (hors de prix pour des voyageurs fauchés comme nous), mais de nos chaises à la Cafétéria. Sophie rattrape le temps perdu. Elle se trouve deux copines de jeu italiennes, Cathérina et Valentina (deux fausses jumelles) et ensemble, elles jouent frénétiquement. Elles jouent même dans la cabine de la mama des fillettes qui s’est donnée, elle, les moyens d’en réserver une !
20 h : un couple sans enfant (Eric et moi) vogue en ferry en direction de Trapani (Sicile). Sophie a une nouvelle famille (italienne) avec qui elle dîne à une des tables de la Cafétéria et avec qui elle programme de dormir.
1 h du matin : nous nous assoupissons en vrac sur nos chaises-empire. Eric, les coudes sur la table, son casque à cheveux poivre et sel posé sur son sac à dos ; Sophie, allongée sur deux chaises se faisant face ; et moi, assise, complètement avachie. C’est pour quand les voyages grand luxe et grand confort ?
3 h : Nous voilà aux portes du Port maritime de Trapani après avoir accompli les formalités habituelles. Nous roulons dans Trapani, superbement éclairée, puis nous prenons une route longeant le bord de mer, à la recherche d’un coin pour passer la nuit.
A Pizzolongo, nous trouvons un hôtel gratuit …. zéro étoile … notre Mercedes. Des duvets, des coussins, des fauteuils rabattables feront des lits confortables. J’ai la trouille, me confesse Sophie. Et moi donc, me dis-je mais sans le lui avouer. Sophie n’a pas que la trouille. En plus, elle a froid et vient se blottir dans mes bras, dans le lit-single de devant. Nous sommes réveillés quatre heures plus tard par un chien, heureusement pas errant, mais fort mécontent derrière un portail. Il semble surpris de nous voir si près chez lui. Sur le pare-brise, de la buée, et derrière la buée, un paysage énigmatique : de la garrigue, des rocailles, un bâtiment militaire, dans le lointain, apparemment désaffecté …
Bienvenue en Sicile …
____________________
Texte écrit en février 2012
Vive l’avion !