Nous voici de retour en Tunisie après une traversée de 24H, depuis Genova (Italie), sur le ferry « Le Splendid » de la Cie « Grandi Navi Veloci ».
En fin de compte, nous voyageons plus souvent sur d’impressionnants paquebots (Le Splendid, Le Sorrento, le Carthage, le Habib …) que sur notre voilier. Du coup, chers lecteurs- confidents, vous aussi !
Toutefois, si ces traversées en ferry se succèdent, elles ne se ressemblent pas et me donnent à chaque fois l’occasion de relater quelques souvenirs inédits.
Ainsi, aujourd’hui, vous aurez droit à une description détaillée de nos occupations à bord, à nos joies administratives et à une belle rencontre à notre arrivée sur Yasmine Hammamet.
Mes jeux avec Sophie
Pas de petits amis dans les parages pour Sophie lors de ce premier jour de navigation. Sophie invente donc des jeux rien que pour nous deux. Dans le couloir longeant notre salle « pullman » (une pièce avec des fauteuils mis à la disposition des voyageurs fauchés de notre trempe), le tapis est rouge, tacheté de jaune, agréable à fouler. Une jardinière sans fleur, sans terre, sans plante, fait office de banc. Pour Sophie, elle devient une barre d’équilibriste d’où elle s’élance avec son parachute (un tissu mauve servant selon les circonstances de nappe, de tente, de traîne de princesse, de robe…). Ces vols de baroudeuse à ras de jardinière occupent Sophie un bon moment.
Autre jeu : « un, deux, trois la lune et le soleil« . Dois-je te remercier, marraine Claudette d’avoir initié Sophie à ce jeu ? Il la passionne. Moi, un peu moins. Pour ceux qui ne connaissent pas les règles, j’explique : je dois lancer une énigmatique phrase « un, deux, trois la lune et le soleil« , sans regarder Sophie, postée à l’autre bout du couloir. Durant les 10 secondes que dure ma suite de mots, elle avance jusqu’à moi, à pas feutrés, mais à « soleil », impérativement, elle ne doit plus bouger. Sophie, transformée en statue, ressemble à un chat guettant sa proie, à un fantôme tout de mauve vêtu, à une bulle en suspension. Comme le ferry tangue (des sachets plastiques nous ont été distribués au cas où), la statue parfois remue, imperceptiblement, ce qui lui vaut un retour, sans contestation possible, « au poulailler ».
Autre activité : des virées dans les coursives ; des va et vient dans les ascenseurs lumineux, revêtus de miroirs ; des visites de tous les salons du ferry. Des balades qui ne sont pas sans danger. Au détour d’un couloir, Sophie glisse … sur une flaque de vomi ! Heureusement, seules ses mains sont souillées et je les lave énergiquement dans les toilettes pour dames.
Dernier passe-temps (fort à mon goût celui-ci) : nous nous installons dans un bar panoramique. Sophie commande un pain au chocolat et moi un café (servi dans une tasse en carton avec une petite languette en plastique en guise de cuillère). De tout côté, le décor est distrayant. Sur la gauche, à travers les hublots, on peut admirer la mer d’un bleu opaque. Sur la droite on discerne, derrière une rangée de consommateurs attablés, la petite piscine du ferry, à sec et toute encordée. Je resterais bien assise à me prélasser des heures durant, ma tasse à la main, contemplative. Mais déjà Sophie, gagnée par une bougeotte incoercible m’appelle vers d’autres lieux, vers d’autres horizons. Nous repartons donc en direction des ascenseurs aux miroirs. Ils nous déposent au « sky deck » (l’étage où se trouve notre salle-dortoir), afin de rejouer à …devinez quoi… « un, deux, trois les luminaires »!
Pendant nos divertissements et nos pérégrinations parfois hasardeuses, Eric photographie ou lit devant son écran d’ordinateur. La Wi-Fi, comme nous le signale une affiche, est activée dans notre zone.
Bon, assez joué. Il est temps maintenant de s’atteler à des tâches moins marrantes : nos obligations administratives. D’habitude, nous effectuons nos formalités de douane et de police à la descente du ferry. Cette fois ci, cette fastidieuse paperasse est organisée dans l’un des salons du ferry, deux heures avant notre arrivée à Tunis. Deux longues heures, interminables mais pas inintéressantes. Dans la file d’attente impressionnante, on peut discuter avec le voisin de devant, et celui de derrière. On peut même assister à un pugilat au moment de la fermeture inopinée des guichets où patientent les passagers devant déclarer leur voiture. Je me retrouve, sans le vouloir, au cœur de la tourmente. Il est question, (je le devine car tout se trame en arabe) d’interrompre la délivrance des autorisations de circulation … juste après moi. Quelle sacrée veinarde je suis tout de même ! Tandis que les invectives fusent dans tous les sens, je me tiens sage, neutre, impavide. Puis, mon trophée à la main (l’ultime autorisation de circulation délivrée), discrètement, je m’éclipse. Après tout, après moi le déluge !
Pendant ce temps, Sophie, indifférente à nos colère d’adultes, joue avec deux petites copines de son âge. Les enfants se sont mises « en orbite » sur la piste de danse de ce spacieux salon, devenu le bureau de la police et des douanes ou plutôt une arène de gladiateurs ou un champ de bataille !
Nous arrivons à la Goulette (Tunis). Nous pensions que les rébarbatives formalités effectuées à bord nous permettraient de quitter l’enceinte portuaire plus rapidement. Que nenni ! Des files de voitures, des embouteillages, des coups de klaxon insistants et excédés, une irritation s’affirmant crescendo… Nous nous serions crû dans l’effervescence d’un mariage mais sans la moindre histoire d’amour et sans les moindres mariés.
Au bout de deux heures, nous pouvons nous extirper de cet enfer. A l’extérieur, comme à l’intérieur de notre véhicule cela chauffe sérieusement. La jauge de notre radiateur affiche quatre vingt dix degrés Celsius et nous oblige à allumer à fond le chauffage pour ne pas griller le moteur.
Ouf, nous voici sur Yasmine Hammamet. La nuit est tombée en cachette. L’éclairage urbain pare la Marina d’une douceur romantique. Nous apercevons le portail de notre ponton, et juste devant, le voilier de Jean. Toc, toc, toc nous frappons à sa passerelle pour lui signaler notre retour et notre joie de le revoir. Il nous invite à partager son dîner dans une ambiance de cabaret (venez visiter son original chez-lui dans mon article « un beau vendredi d’août – rubrique Tunisie »). Au menu, de la soupe à la viande, une appétissante macédoine, des œufs à la mayonnaise-maison, de la convivialité, de la détente ….
Nous en avions bien besoin après notre splendide débarquement !
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Texte écrit en décembre 2011